L’atout ergonomie pour (ré)aménager un dépôt
Comment intégrer la santé et la sécurité pour gagner en performance ? Exemple avec une entreprise adaptée* active en entretien et création de jardins-espaces verts, ainsi que les conseils d’une ergonome.
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La Mutualité sociale agricole (MSA) propose une nouvelle approche des projets d’investissement. Elle intègre les impératifs du travail et les logiques de santé-sécurité en amont de la conception des projets. La démarche a été présentée au cours d’une conférence lors du Salon Paysalia, le 4 décembre 2019. Les questions posées étaient : « comment concilier projet d’investissement et santé-sécurité au travail ? » et « comment penser aménagement de vos dépôts, performance et santé-sécurité au travail ? »
Un trio pour bien travailler
Préventeurs MSA, ergonomes et dirigeant(s) travaillent de concert pour intégrer les dimensions humaines, organisationnelles et techniques du travail dans le projet d’investissement.
Ainsi, David Iung, créateur de l’entreprise EA Cap Vert, spécialisée dans la création et l’entretien de jardins et espaces verts, à Saint-Genis-Laval (69), a été contraint de déménager ses locaux dans la commune limitrophe de Charly. Il a reçu pour optimiser l’aménagement Marie Rebeyrol, conseillère en prévention des risques professionnels à la MSA Ain-Rhône, et Julie Beccat, ergonome conseil pour la société Hépha, située à Caluire-et-Cuire (69).
La demande émane donc de l’entreprise, le conseiller MSA détecte les situations à améliorer et l’ergonome aide à y répondre.
En amont d’éventuels travaux
Créée en 2015, EA Cap Vert a commencé son activité dans des locaux de 300 m2 en location à Saint-Genis-Laval, dont 100 m² de bureaux.
Contrainte de déménager, l’entreprise acquiert en 2018 un nouveau dépôt de 500 m² à Charly, dans lequel elle emménage début 2019. Elle compte alors douze salariés, dont sept travailleurs handicapés, parmi lesquels plusieurs déficients visuels.
« Passer de 300 à 500 m² de dépôt ne devait pas poser de problème, a priori, explique le chef d’entreprise. Néanmoins, au départ, nous manquions de place, certains véhicules devaient rester dehors. Il n’y avait aucun aménagement dans le local à l’entrée, l’ensemble du matériel était éparpillé au sol. De plus, vu l’importance de l’investissement, l’objectif était d’optimiser au maximum l’espace pour en isoler une partie – entre 150 et 200 m² –, en vue de la louer à une autre structure. Nous devions aussi prévoir des locaux sociaux : des vestiaires, des sanitaires... Notre première rencontre avec la conseillère prévention MSA date de fin 2017, le déménagement était déjà à l’ordre du jour. Nous avons repris contact début 2019, elle nous alors mis en relation avec Julie Beccat, ergonome conseil. »
Cette indépendante, spécialisée dans le conseil aux entreprises, Julie Beccat intervient dans le département du Rhône et sa métropole : « Notre prestation vise à apporter des préconisations pour que le travail se réalise dans les meilleures conditions possibles sous l’angle de la santé au travail et de l’amélioration de l’efficacité de l’activité, d’un point de vue qualitatif et quantitatif. L’ergonome peut intervenir à n’importe quel moment du projet d’entreprise, mais plus on œuvre tôt, voire en amont des travaux éventuels, plus on agit efficacement. »
Observer, diagnostiquer, imaginer, ajuster
La méthodologie est basée sur le travail de terrain. Tout d’abord par l’observation en situation réelle, en visant des situations représentatives de l’activité de l’entreprise, par exemple le chargement des camions, le travail sur le chantier, le port de charges… Ensuite, sur la base d’entretiens informels avec les salariés, en situation de travail ou a posteriori.
À partir de ces données, un diagnostic précis est réalisé : « Il s’agit de faire valoir ce qui fonctionne bien et ce qui ne marche pas, donc les situations à améliorer », indique-t-elle.
La première étape consiste, à partir des plans des locaux, à imaginer comment optimiser l’espace, le déplacement des salariés et les différents flux : un premier plan est élaboré, conjointement avec le dirigeant, à l’aide de gommettes.
À ce stade, tout peut encore évoluer, au fur et à mesure de l’étude. Pour la seconde étape, il est important d’identifier les priorités et de se projeter le futur de l’entreprise, de façon à anticiper de futurs besoins (lire l’ encadré).
Gain de temps et moins de risques
« Sans l’intervention de l’ergonome, nous n’aurions pas pris le temps d’étudier l’aménagement du local, apprécie David Iung. À présent, nous avons des zones bien identifiées. Il faut toutefois veiller à les faire respecter. L’optimisation de l’espace offre à la fois un gain de temps et une amélioration globale des conditions de vie au travail. Entre autres, elle limite les risques de chute éventuels occasionnés par des outils laissés au sol ou de casse de matériel. Autre atout, nous n’hésitons plus aujourd’hui à faire visiter nos locaux. En parallèle, l’aménagement a permis de se mettre en conformité avec la législation du travail : création de locaux sociaux, douches et sanitaires hommes et femmes en vue de l’éventuelle embauche d’une salariée. Pour créer ces différentes zones, nous avons dû réduire la surface initialement prévue pour la location. »
Dans le département du Rhône, sept entreprises du paysage ont bénéficié de l’intervention d’un ergonome dans différents domaines : aménagement de bâtiments et de véhicules, agrandissements, gestion du flux de véhicules, aides à la création du cahier des charges… Par le biais de la MSA, le coût a pu être pris en charge à près de 90 %.
Un « mode dégradé » depuis la crise
Depuis le travail effectué en concertation avec la conseillère de la MSA et l’ergonome, l’épidémie de Covid-19 a sévi. David Iung livre son témoignage : « L’heure est aux modifications des organisations de travail. L’entreprise avait fermé trois semaines. Pendant ce temps, j’ai pu prendre connaissance des multiples directives (gouvernement, MSA, fédérations…) et mettre en place nos propres consignes pour assurer un accueil et un mode de fonctionnement sécurisé. Chaque ouvrier et cadre a été briefé à son retour et s’est engagé à suivre ces consignes pour le bien de tous (salariés mais aussi fournisseurs et clients). Depuis, nous fonctionnons en “mode dégradé” : certains collaborateurs prennent leurs véhicules personnels pour se rendre sur les chantiers puisqu’il est interdit d’être à plusieurs dans une même cabine de camion. Le chiffre d’affaires a bien baissé, mais l’activité continue. Nous ne sommes pas les plus à plaindre car, avec ces mesures, notre travail est possible. »
Claude Thiery*L’entreprise adaptée permet à un travailleur handicapé d’exercer une activité professionnelle dans des conditions correspondant à ses capacités. La spécificité : elle emploie au moins 55 % de personnes en situation de handicap, qui ont le statut de salarié et sont soumises aux mêmes règles que leurs collègues.
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